jeudi 30 avril 2009

Le monde vu par les Chinois

Une conversation rapportée par Erik Orsenna dans Voyage aux pays du coton résume assez bien la conception des chinois de leur place vis à vis de l'occident:

« - Comment vois-tu l'avenir de la Chine ?
- Pas différent de son passé. Mon pays a toujours été la première puissance du monde. Sauf durant les deux derniers siécles. Dans vingt ans, elle aura recouvré son rang.
- Et vous ne craignez pas la concurrence indienne ?
- L'Inde est trop démocratique. Elle y perd beaucoup trop d'énergie. »

On ne peut réprimer un léger frisson en lisant ces mots. En passant il faut dire que les chinois ont tous de l'Inde une assez mauvaise impression: ils tiennent ce pays comme sale, chaotique, dangereux, et en font un exemple à ne pas suivre. Ils citent tous les scénes de bidonville du récent "Slumdog millionaire" pour se donner raison.

Dans le même genre, je discutai dans le bus de Hangzhou avec une étudiante en ressources humaines, qui fut extrêmement surprise d'apprendre que nous avions des usines en France. Comme elle, de nombreux chinois pensent qu'ils ont réussi à "récupérer" toutes les usines du monde, elle me jura d'ailleurs que bientôt la France n'en aurait plus et que ç'était une question de fierté nationale...Elle me demanda du même coup si c'était vrai que les français buvaient du café toute la journée parce qu'ils n'avaient rien à faire, et là c'est vrai que j'eus un moment d'hésitation.
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Hangzhou - Lac Ouest

Après Huang Shan, je vais à Hangzhou, et me promène sur les rives du lac ouest, bordé de pagodes, de saules et autres, et très populaire auprès des chinois qui viennent se délasser sur les bancs ou pêcher.
Je remarque au bord du chemin une pancarte (non-traduite par Google cette fois) : là où nous autres français très abrupts et adeptes des réglements aurions écrit "pelouse interdite", le chinois, souhaitant nous faire partager les fruits d'une sagesse millénaire, écrit "ne dérangez pas l'herbe qui pousse", et je restai là, figé, sous les regards étonnés des passants, à en méditer tous les sens possibles ne sachant plus très bien s'il s'agissait d'un simple problème de voirie ou d'un message à portée plus large extrait d'un traité sur l'éducation transmis de génération en génération.
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Wulingyuan - Fragments Surréalistes

La Chine est tellement riche d'histoire et de paysages que même en deux mois je ne verrai même pas le quart de ses trésors. Ainsi des choix douloureux s'imposent, tel passer outre le parc naturel de Wulingyuan, près de Wuhan.

Il se trouve que le jour où j'ouvrais mon guide de voyage à la photographie du pont des immortels (dans le même parc), je venais de lire André Breton parler du surréalisme comme d'une "étroite passerelle au-dessus de l'abîme", coïncidence étonnante...

En restant sur ce sujet, il faudrait d'ailleurs aménager dans le panthéon surréaliste une place toute particulière au traducteur en ligne de Google, au même rang que l'écriture automatique ou les cadavres exquis. En effet, les restaurants en Chine l'utilisent tous pour traduire les noms de leur plats en anglais et impriment le résultat tel que donné par le site. On peut donc se régaler avec des plats aussi incongrus que le "porc pressé allongé sur les champignons", ou des "nouilles au chapeau d'oeuf mou", je devrais les collectioner et publier un recueil.

dimanche 26 avril 2009

Huang Shan - La Montagne Jaune

Depuis Guilin, direction la Montagne Jaune, où j'arrivai à bon port après 20 heures de train et trois heures de bus avec arrêts divers. C'est un coin magnifique, apparemment célébré par les poétes et peintres chinois depuis des millénaires, aujourd'hui très populaire chez les touristes (chinois, et quelques français perdus) qui s'y agglutinent malheureusement comme dans un parc Disney. On peut néanmoins trouver un peu de calme si l'on s'aventure sur des voies un peu plus difficiles. Parmi les vues les plus saissisantes les canyons du nord-ouest et les chemins à flanc de roche qui y ménent.
La plupart passent une nuit au sommet, mais je préférai faire les quelques 7 heures et demi de marche le même jour qui me permirent de voir la plus grande partie de la montagne.
Anecdote amusante sur la muséographie chinoise: là où les pancartes (pas les audioguides, plus approfondis) se contentent habituellement de dire "Ceci est un temple. Il est en bois. Il est très grand. Il est beau hein?", le chemin est jonché de plaques vous informant que telle ou telle roche est formée de 43.78% d'orioclase, de 25.06% de plagioclase et du reste de quelconque feldspath-orthoquartz. Je notai une nouvelle fois que je ne comprends rien à la géologie.
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Leçon de chinois: prononciation

Je n'ai pas de photos de gare, alors j'ai choisi ce qui s'en rapproche le plus, c'est à se taper la tête contre les murs, mais c'est aussi très divertissant. Un voyage en Chine peut se transformer en cauchemar si le touriste oublie de se munir, non pas de tablettes immosel, mais d'une bonne prononciation, et ceci particulièrement dans certains moments critiques:
Une gare en Chine c'est 10, 15, 20 guichets, chacun leur file attitrée avec des temps d'attente tellement longs qu'aux fermetures régulières, programmées et affichées pour pause de 20 minutes les gens préférent rester dans la file plutôt que de changer de guichet. Le choix du guichet est alors le résultat d'un processus d'optimisation dont la complexité perdrait le meilleur expert en théorie des jeux. Situation tendue où les quelques resquilleurs sont aussitôt repoussés par un vigile armé de son mégaphone (en chine le mégaphone ne s'utilise qu'à bout portant, il n'est pas fait pour s'adresser à un groupe lointain mais bien pour crier le plus fort possible dans les oreilles).
Il se trouve qu'un jour lorsqu'après une heure d'attente ce fut à mon tour de m'adresser au guichet, il ne restait plus que 10 minutes avant la prochaine pause, et je sentais comme autant d'aiguilles d'acupuncture dans la nuque les dizaines de paire d'yeux de ceux qui commençaient à réaliser que leur calcul de chances et leur espoir d'obtenir un ticket rapidement risquaient bien d'être ruinés à cause d'un touriste lent à la comprenette. Conscient du poids qui pesait sur mes épaules, je commandai en détachant mes mots un billet pour Xi'an. La sanction fut sans appel: "Xian?" répéta le guichetier, visiblement perdu. "Xian?" répétèrent ses collégues aux guichets avoisinants. Je répétai, plus lentement. "Xian, shenme (quoi?) Xian?" me répondit de nouveau le guichetier, et l'enjeu étant de taille, de ma file et la file attenante s'élevérent bientôt un concert de "Xian, Xian, Xian?", tous voulant m'aider à me tirer, et eux du même coup, de ce mauvais pas. Je pris ma respiration, et touché par une inspiration purement divine, lançait un "Xian" accentué aux deux syllables avec le premier accent (constant en haut) au lieu du vague quatriéme accent (descendant) que j'avais d'abord choisi. Le visage du guichetier s'éclaira subitement, un soupir de soulagement parcourut la salle, "Xian! Xian! Xian! Xian!" retentirent de toute part comme autant d'Halleluïas et la foule en liesse m'aurait porté aux nues si cela n'avait pas été un risque de perdre leur place dans la queue. Le guichetier accrocha un peu sur mon "libai tian (dimanche)" mais fut immédiatement rappelé à l'ordre par les "libai tian!" secs de mes suivants qui trouvaient cette fois-ci la prononciation honorable et prièrent l'agent d'arrêter de chipoter et de me donner mon billet.
Depuis ce jour-là je consulte religieusement les indications de prononciation de mon guide.
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Guilin

Je revins à Guilin et ne m'y attardai pas. C'est une ville agréable, traversée par la rivière Li et abritant une roche perçée qui lui vaut d'être jumelée avec l'aiguille d'Etretat, mais toute visite me parut fade au regard des paysages de Yangshuo. Direction la librairie où je fis le plein de livres pour les jours à venir.
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Yangshuo - A bicyclette

Me voilà à Yangshuo, charmante petite ville au bord de la rivière Li et de son affluent, le Yulong. Chose rare dans mes excursions, la campagne est à proximité immédiate de mon hôtel, je loue donc une bicyclette pour m'égayer dans la verdure. Je me perds aussitôt mais pour mon plus grand bien car je me retrouve au coeur des rizières et autre vergers. Les chemins sont très étroits, et je dois m'arrêter fréquemment pour laisser passer un buffle d'eau ou un paysan tirant sa charette.
C'est visiblement la saison pour planter le riz, labeur qui paraît ô combien éreintant. Les graines ont d'abord été semées dans des serres et les jeunes pousses doivent maintenant être plantées une par une, à la main, dans les champs inondés. Les pieds dans la boue, les fermiers se baissent plus bas que terre et alignent inlassablement les plants sous la chaleur torride.

Tout ceci amène une perspective différente sur les "mingong", travailleurs migrants chinois dont les conditions de vie très difficiles sont relatées abondamment dans nos médias nationaux. Il faut se dire que s'ils partent travailler en ville, au noir, loin de chez eux, vivent dans des dortoirs infâmes, mangent mal et peu, c'est pour envoyer de l'argent à leur famille car leur existence à la campagne est encore pire. Ils partent pour améliorer leur sort, non parce qu'ils ont été chassés de leurs terres (à ma connaissance). C'est assez différent de la révolution industrielle anglaise où le jeu des proprétaires terriens a exclu les paysans de leur terres pour ne leur laisser comme unique choix que de travailler dans l'industrie et ses fabriques infernales. Il n'empêche que le résultat est le même, une formidable "armée de réserve" à la disposition des employeurs.
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Sur la rivière Li

La croisière sur Chang Jiang m'amène à Yichan, puis je rejoins Wuhan et de là Guilin où j'embarque à bord d'un frêle esquif qui m'aménera jusqu'à Yangshuo. C'est le pays de la carte postale, on peut y admirer des massifs de "karst", un paysage de collines formé par des cours d'eau érodant un plateau calcaire. C'est là aussi que des pécheurs se servent de cormorans pour attraper le poisson.
Sur le bateau je rencontre trois anglais qui un beau jour ont décidé de prendre le train: ils ont parcouru l'Europe, sont allés en Russie par le transsibérien, puis en Mongolie par le transmongolien, ont rejoint la Chine, se préparent à leur passage en Inde, Pakistan, Iran, etc...Je me dis que c'est peut-être eux qui ont raison, à méditer.
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vendredi 24 avril 2009

Chang Jiang - Barrage des Trois Gorges

Enfin nous arrivons à la dernière étape, la visite du barrage des Trois Gorges. C'est je crois le plus grand projet hydro-éléctrique du monde, qui nécessita le déplacement de plus d'un million de personnes. On connaît tous la polémique autour de ce barrage, risques environnementaux, etc...je suis peut-être trop enthousiaste mais je trouve qu'on l'on est quelque peu injuste envers le gouvernement chinois: d'un côté on les attaque sur leurs centrales au charbon et leurs émissions à effet de serre, et quand ils produisent de l'electricité via l'énergie renouvelable on les attaque encore. Je ne dois pas avoir toutes les données du problème, mais enfin...d'ailleurs les anglais pensent sérieusement à faire de même avec la rivière Severn, à une échelle plus petite c'est sûr.
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Chang Jiang - Les Trois Gorges

M'étant assoupi pendant le passage de la première gorge, voici de l'arrière du bateau le soleil se couchant sur la deuxième gorge, très beau moment où nous eûmes l'impression de trouer la toile d'un décor de théatre ou d'un tableau et passer de l'autre côté non sans laisser derrière nous un sillage de lumière où se mélaient toutes les couleurs que le peintre avait disposées sur le canevas (ok c'est pas du Du Fu).
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Chang Jiang - Les petites trois gorges

Interméde dans ma croisière de trois jours: une exploration en bateau rapide des petites trois gorges, au nord du fleuve. Très belle lumière, qui ne permit cependant pas d'apercevoir des cercueils suspendus à la falaise par une tribu locale. Ni les singes qui peuplent les collines environnantes.
Discutai avec un chinois qui me demanda les prix d'une montre Cartier en France et d'ailleurs en savait plus que moi à ce sujet. Chine, terre de contrastes.
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Chang Jiang - Du Fu - Poéte maudit

Dans le temple du général, à qui l'on offre de l'encens comme on en offre au bouddha, je trouvai une statue de Du Fu, poéte maudit de la dynastie des Tang, au VIIIéme siécle. Sa vie fut proprement déchirante, une jeunesse brillante, conversant avec les plus grands lettrés, un voyage de quatre ans au nord de la chine où il bu, composa, chassa à dos de cheval (à cette époque toute bonne éducation devait inclure un long voyage - que nos DRH censeurs s'en inspirent), son malheur commença lorsqu'il échoua aux examens impériaux, plus érudit que ses correcteurs il ne put s'en faire comprendre. Il essaya et parvint de temps en temps à se rapprocher de l'empereur et acquérir une charge, seul métier pour un lettré souhaitant exercer sa vocation, mais vécut souvent dans la misère, s'exila maintes fois en raison des troubles qui traversaient le pays, vut mourir quelques-uns de ses enfants, et le reste tomber dans l'ignorance la plus crasse faute de moyens, lui le fier héritier d'une longue lignée de littérateurs. Restent ses poémes, la plupart qu'on devine composés sous l'effet de l'alcool, seul baume à son destin perdu. Mes amis m'ayant offert un recueil de lui, voici un extrait, pas spécialement représentatif d'ailleurs car nombre de ses poémes célébrent la nature et les moments simples de l'existence:


« Décrivant mon sentiment

Au profond de la nuit, assis dans la véranda du sud,
la lune brillante éclaire mes genoux
une brusque rafale de vent renverse le Fleuve céleste,
sur les poutres de la maison déjà le soleil se lève
au sein de la multitude des êtres, chacun, après avoir passé la nuit,
vole ou rampe en compagnie de ses congénères
je dépêche moi aussi mes fils,
afin qu'ils s'affairent pour mon profit personnel
sous le ciel froid les voyageurs sont rares,
à la fin de l'année le soleil et la lune sont préssés
la gloire et le renom égarent les hommes,
dans ce monde chaotique ils s'agitent comme des poux
les anciens, bien avant les trois souverains saints,
une fois leur ventre rempli, n 'avaient d'autre désir
pourquoi avoir inventé l'écriture en noeuds de corde?
C'est elle qui nous a piégé, qui nous a englué
en tête des criminels celui qui frotta du bois pour produire le feu
le malheur empira avec le pinceau de l'historien Tong Hu
regardez autour de la flamme de la lampe,
tournoyer le papillon de nuit
pourtant, si on laisse aller son esprit au-delà des huit extrémités,
qu'on regarde en haut ou en bas c'est partout la même quiétude
quand on comprend enfin sa véritable nature,
n'obtient-on pas l'or magique de l'immortalité? »

C'est très chinois, sûrement influençé par le Dao de Lao Zi (plus là-dessus plus tard), ça rappelle aussi les Travaux et les Jours d'Hésiode:

"En effet, les dieux cachèrent aux mortels le secret d'une vie frugale. Autrement le travail d'un seul jour suffirait pour te procurer les moyens de subsister une année entière, même en restant oisif. Tu suspendrais soudain le gouvernail au-dessus de la fumée et tu laisserais reposer tes boeufs et tes mulets laborieux. Mais Jupiter nous déroba ce secret, furieux dans son âme d'avoir été trompé par l'astucieux Prométhée. Voilà pourquoi il condamna les hommes aux soucis et aux tourments. Il leur avait caché le feu ; mais le noble fils de Japet, par un adroit larcin, le leur apporta dans la tige d'une férule, après l'avoir enlevé au prudent Jupiter qui aime à lancer la foudre. Ce dieu qui rassemble les nuages lui dit en son courroux :'Fils de Japet, ô le plus habile de tous les mortels ! tu te réjouis d'avoir dérobé le feu divin et trompé ma sagesse, mais ton vol te sera fatal à toi et aux hommes à venir. Pour me venger de ce larcin, je leur enverrai un funeste présent dont ils seront tous charmés au fond de leur âme, chérissant eux-mêmes leur propre fléau.'"
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Chang Jiang - Art de la guerre

Premier arrêt nocturne dans un temple à la gloire d'un général local, amateur de vin devant l'éternel, qui dérailla après que son frère fut tué dans une bataille. Les chinois ont une histoire militaire très impressionante, et nombreuses furent les occasions où une armée plus faible mais plus maligne eut raison de ses adversaires. Dans l'Histoire des Trois Royaumes, l'un des quatre piliers de la littérature chinoise, deux hommes à la tête d'une flotte d'épouvantails récupérent des milliers de fléches lançés en masse par la force adverse trompée par le brouillard. Ces fléches retourneront ensuite à l'envoyeur. Les chinois sont d'ailleurs des grands admirateurs de Napoléon, parce qu'il fut un grand stratège mais aussi parce qu'il sut reconnaître la force de la Chine. Citez "Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera" et vous êtes sûr de vous faire des amis. Mais les chinois sont, pensait Michaux, plutôt pacifiques, et rapporte un proverbe chinois qui dit quelque chose comme "on ne fait pas des clous avec du bon métal" pour signifier que c'est en dernière extrémité qu'il faut en masse former des jeunes gens à être soldats. Enfin c'est un peu à l'emporte-pièce et je n'ai rien contre les militaires, loin de là.
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Chongqing

Pour me contredire un peu sur le blog précédent, voici une photo de Chongqing, située sur le Yangzi (que d'ailleurs les chinois n'appellent pas du tout comme ça, ils le nomment Chang Jiang, grand fleuve, je ne comprends pas pourquoi l'on utilise constamment des termes différents). La ville est une des grandes fournaises de la chine, apparemment privée d'air par les collines environnantes, la température en été y atteint des températures records. Je confirme même si ce n'était pas l'été et les rues en pente vers la riviére n'aident pas non plus. J'y passe juste quelques heures avant d'embarquer pour la croisière des fameuses Trois Gorges, à bord d'un bateau où la première chose que j'aperçu fut un rat grignotant paisiblement des biscuits dans un des compartiments. Je le désignai du doigt à mon voisin qui ricana et son haussement d'épaule me fit comprendre qu'il ne faut pas s'émouvoir pour si peu.
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Chengdu

Je ne prends guère d'images des villes où je passe: c'est qu'en Chine elles se ressemblent un peu toutes. Grands centres commerciaux, tours, places anonymes, immenses carrefours, néons éclairant des avenues hors de proportion. Voici Chengdu, image qui d'ailleurs ne dit rien sur la chaleur des habitants, probablement les plus accueillants de toute la Chine, ni sur la douceur de certains lieux tels les maisons de thé où les chinois jouent aux cartes jusqu'à des heures indues. Mais je n'aime pas prendre les gens en photo sans les connaître un peu. Ce sera donc tout sur Chengdu.
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Ah les jolies colonies de vacances

Je fis le voyage jusqu'à Jiu Zhai Gou avec un groupe de touristes chinois, l'occasion pour moi de les connaître un peu mieux. Pour un observateur extérieur, le chinois pourrait passer pour quelqu'un d'impoli, vu sa tendance à ignorer les files d'attente et toute forme de priorité, de sale, il se racle la gorge et crache à tout va, se mouche comme les maçons, sans les mains et d'une expiration séche, de décidément très impoli, il rote et péte à plaisir, et braille à tous vents. En fait, si l'on y regarde de plus près, le chinois est un grand enfant, il est tout simplement spontané, et pour peu que l'on baragouine le mandarin, se met tout à coup à vous faire une fête pas possible, vous invite à sa table pour boire des coups, le chinois a un sens inné de la camaraderie.
Alors de temps en temps, il y a une exception, tel ce vieil homme qui ne supportant pas de partager sa chambre avec un étranger, décida de changer avec quelqu'un autre non sans avoir vociféré pendant dix bonnes minutes. Ou, si on a le malheur de tomber sur un fervent, de se trouver pris sous un déluge de "Sarkozy! Dalai-lama ! Xizang (Tibet en chinois) !" sans trop pouvoir répliquer que c'est une histoire bien compliquée. Etonnament, la colére du chinois retombe très vite et certains vous tapent dans le dos cinq minutes après.
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Jiu Zhai Gou - Tibétains

La vallée de Jiu Zhai Gou se trouve sur le plateau Tibétain, à plus de 2,000 métres d'altitude, et abrite une minorité appelée Benbo. Ils semblent toujours vivre dans des bâtiments de pierre, boue, et bois bariolé, bien que l'on voie ici et là des bâtiments modernes. La secte Benbo fut apparemment créée il y a quelques 14,000 ans. Le benbo a la particularité de faire tourner ses roues à priére dans le sens contraire des aiguilles d'une montre contrairement au reste des tibétains. Enfin, le benbo ne se foule pas à egréner des chapelets, il monte ses roues à priéres sur des moulins à eau qui font le boulot pour lui.
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Jiu Zhai Gou

Depuis Chengdu, je prends l'autobus pour 9 heures de route qui se transforment en 14 heures en raison d'une route bloquée et d'une crevaison. Je suis dans le Sichuan, et traverse la région dévastée par le tremblement de terre de l'an dernier. On reconstruit partout et quelques familles vivent encore dans des préfabriqués.
La vallée des neufs villages est inscrite au patrimoine national de l'Unesco, on peut y admirer une succession de lacs d'eau pure où se mélent toutes les nuances du bleu et du vert, reliés par des cascades qui s'étalent sur des centaines de mètres à pente très douce avant de se ruer dans un bruyant déluge dans des précipices vertigineux. Ce système de bassins et de rivières ressemble à s'y méprendre à un alambic qu'un alchimiste géant aurait installé pour extraire quelque mystérieuse substance connue de lui seul. Les chinois qui font toujours bien les choses ont construit des pontons de bois sur tout le site, ce qui fait que l'environnement naturel y est pratiquement vierge et que nul piste ne le défigure (mis à part l'unique ponton). Les critiques feraient remarquer que le reste de la région a péri sous le coup d'une déforestation massive, mais bon de temps en temps il faut s'arrêter sur le positif...
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Le Shan - Le Grand Bouddha et le romantisme

Toujours plus au sud, j'arrive à Chengdu. De là je peux visiter le site de Le Shan et admirer le plus grand bouddha en pierre au monde. Et c'est magnifique, on y arrive par le haut et découvre son visage placide non sans réprimer un cri d'étonnement, serti dans une falaise où la végétation le recouvre comme un manteau de velours vert, il fait face à la rivière qui lorsqu'elle y fait monter la brume nous en cache les pieds et donne l'illusion qu'il surgit tout droit des entrailles de la terre. On a tout le temps de l'admirer en descendant l'escalier à flanc de roche avant de remonter de l'autre côté.

Accompagné d'un ami de la province de Helongjiang, au nord de la Chine (dans ce pays, même si l'on voyage seul, on ne peut jamais être seul et c'est tant mieux, le chinois se doit de discuter avec ses voisins, chinois comme étrangers), nous essayons de mieux comprendre nos cultures respectives et devisons gaiement en nous reposant de ces efforts. Un point qui revient toujours, c'est que les chinois savent bien que les français sont romantiques, mais ils sont incapables d'en expliquer le sens: en les questionnant un peu, pour certains cela veut dire multiplier les aventures (opinion majoritaire des hommes), pour d'autres cela veut dire composer des poésies, pousser la sérénade, pratiquer l'amour platonique (opinion unanime, et à mon grand désarroi, des femmes). Moi-même je ne sais plus très bien, si je me rappelle mes cours de français, le romantique est un être plutôt ténébreux, adepte de solitude et de paysages sublimes, chez lui le sentiment prime sur la raison, il veut renouer avec l'émotion et les passions, exemple Julien Sorel dans le Rouge et le Noir (?). Mais allez expliquer Stendhal en quelques phrases...
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Xi'an - L'armée de terre cuite

Et puis, bien sûr, l'attraction majeure de Xi'an est l'armée de terre cuite. Le premier empereur de la dynastie Qin, un tyran brutal et haï par son peuple, consacra dit-on près de 40 ans à faire construire son tombeau et fit périr 400,000 ouvriers dans sa réalisation. Il voulait s'assurer ainsi que personne ne connaisse l'emplacement exact de son tombeau, ce qui n'est pas sans rappeler les pratiques des chefs khmers rouges qui firent de même pour que les multiples souterrains et sorties dérobées de leur villas ne soient divulguées. Les guerriers de terre cuite le protégeraient de ses ennemis dans sa mort.
Le plus extraordinaire, c'est que cette histoire, consignée dans les annales depuis à peu près son époque par les méticuleux historiens de la cour, ne semblait qu'un récit de grand-mère jusqu'à ce qu'un paysan ne trouve le premier guerrier dans les années 1970 en forant un puits. Et ça n'est pas fini, car l'armée n'était là que pour protéger le tombeau, des équipes ont en effet trouvé à proximité ce qui pourrait bien être la découverte archéologique du siécle, égalant la découverte des pyramides egyptiennes. Les livres anciens relatent en effet que l'empereur gît dans une enceinte splendide où fut recréé la carte de son empire, et où les rivières sont faites de mercure. L'Etat semble jusqu'à maintenant prudent avant de déranger l'empereur dans son dernier sommeil.
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Xi'an - Grande mosquée

Il existe à Xi'an une importante communauté musulmane, venue s'installer ici alors que l'islam était à peine né. Ils semblent vivre paisiblement avec les chinois non-musulmans, même si ces derniers manifestent la plus grande incompréhension devant leur coutumes (j'ai dû expliquer à un étudiant que les musulmans ne mangeaient pas de porc car cela est prescrit dans les textes notamment car le porc était porteur de nombreuses maladies, et non parce que les musulmans croient descendre du cochon ainsi qu'il en était persuadé). En tout cas leur cuisine est excellente et leur nouilles rendraient jaloux un italien.
La communauté vit autour d'une grande mosquée de style chinois mais qui comporte certaines caractéristiques arabes comme quelques frises et arabesques. Un point frappant est l'inscription "Un Dieu" apparemment inscrite par un dignitaire impérial sur l'un des bâtiments. Rien ne semble plus contraire à la religion boudhiste de l'empire qui paradoxalement compte une multitude de divinités mais aucun véritable dieu.
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Xi'an - Confucius

Parmi les calligraphies décalquées des stéles (voir photos en ligne), on trouve Confucius, dont les enseignements ont été recueillis dans les analectes mentionnés auparavant. Tous les chinois vivent par et pour Confucius, tous leurs neurones sont programmés suivant ses préceptes (tout comme les nôtres le sont par un fonds de morale judéo-chrétienne), ses textes sont enseignés tout au long du cursus primaire, secondaire, tertiaire, et l'apprentissage est sanctionné par des examens.
Je viens de me procurer des morceaux choisis de sa pensée, et j'en parlerai donc plus tard, mais il faut lui reconnaître quelque mérite en l'écoutant citer un philosophe chinois (lui-même cité par Michaux, encore !):
"Rechercher les principes des choses qui sont dérobées à l'intelligence humaine, faire des actions extraordinaires qui paraissent en dehors de la nature de l'homme, voilà ce que je ne voudrais pas faire". Jésus-Christ n'a qu'à bien se tenir, Confucius n'a pas besoin de miracles, ni d'avant ou d'arrière monde, exit le jardin d'eden et le paradis ou l'enfer, occupons-nous de ce que nous pouvons comprendre (mais là encore je ne veux fâcher personne)
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Xi'an - Forêt de Stèles

En poussant plus au Sud, j'arrive à Xi'an, ancienne capitale impériale. Les murs historiques de la ville ont été préservés, ce qui donne l'impression de visiter la première cité historique, non encore tout à fait envahie par les temples de la consommation moderne. On accéde au musée des stéles par des rues paisibles où se vendent quantité de pinceaux et rouleaux de papier: c'est qu'ici sont exposés les analectes de Confucius et les plus beaux poémes calligraphiés du pays, tous gravés dans la pierre.
Je ne referai pas l'historique de tous les styles d'écriture car je m'y perds, mais on trouve ici aussi bien le premier alphabet utilisé pour la divination et dont les signes ont encore une ressemblance avec le signifié, que les alphabets les plus stylisés écrits par des calligraphistes moines ivres morts et grand amateurs de femmes que même les experts ont du mal à déchiffrer. Qu'on ne s'y trompe pas, le chinois savait et sait vivre.

Je donnerai plus tard quelques traductions de poémes, mais comme le dit si bien Henri Michaux dans Un barbare en Asie: si la plupart des oeuvres se traduisent en quatre lignes et quelques mots,"...en chinois, ils en contiennent une trentaine: c'est un bazar, c'est un cinéma, c'est un grand tableau. Chaque mot est un paysage, un ensemble de signes dont les éléments, même dans le poème le plus bref, concourent à des allusions sans fin. Un poéme chinois est toujours trop long, tant il est surabondant, véritablement chatouillant et chevelu de comparaisons."
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Datong - Caves de Yungang et Révélation

A Datong se trouvent aussi les caves de Yungang, sculptés de multiples Bouddhas au prix de décennies de dur labeur. On ne peut photographier les plus belles sculptures. Il faut absolument que je me procure une vie de Boudha car la majeure partie des détails échappent à l'oeil du novice. La vie de Boudha ne manque pas d'attrait: son père, un grand roi, ayant appris d'un oracle que son fils serait roi ou bouddha, le tint toute sa jeunesse enfermé dans un palais et préservé du monde pour l'empêcher d'atteindre à la sagesse. Ce n'est qu'une fois marié que Buddha put sortir et confronté à la douleur de la population, à la vieillesse, la maladie et la mort, eut la révélation qui le conduisit à quitter définitivement le palais, malgré son épouse et la douzaine de concubines dont son père décidément plein d'égards l'avait prié de s'entourer. Ensuite c'est combat contre forces du mal et passage par divers stades d'illumination. Tout ça finalement pour une doctrine assez triste qui enseigne de se priver de toutes les passions. Enfin je ne veux fâcher personne.

Lors de cette visite, je fus moi-même frappé d'une révélation: les touristes chinois qui m'accompagnaient (et parmi eux la gente féminine) passaient plus de temps à me prendre en photo que les chefs d'oeuvres millénaires qui s'offraient à nous. Il se trouve que bien que ne correspondant pas le moins du monde aux canons de beauté occidentaux, en Chine je déchaîne les foules. C'est très pratique car cela m'a valut d'obtenir des réductions au restaurant, et une publicitaire m'accosta dans la rue en me priant de travailler chez eux comme top-model. Le voyage ne me laissant que peu de temps de répondre à toutes ces avances, les chinois ne me verront pas vanter les mérites des shampoings anti-pelliculaires et c'est une bien grande perte pour ce pays.
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Datong - Temple suspendu

Après Pékin je partis pour Datong où se trouve un très beau temple suspendu, accroché par des villageois à la falaise pour le préserver des inondations fréquentes. Les piliers qui portent le temple sont enfoncés dans la roche aux deux tiers de leur longeur.
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Quand les chinois descendent dans la rue

En fin de journée, il est très fréquent de voir sur les places et dans les parcs les chinois s'affairer à toutes sortes d'activités: danse, jeu de carte, de dames, de mah-jong, exercice physique, chant, opéra,...le moindre bout de trottoir est mis à profit ! Tout le monde est libre de se joindre aux réjouissances. A noter que la conception chinoise de l'exercice physique est quelque peu différente de la nôtre. Nous pensons en calories dépensées, muscles travaillés et étirés, progression des séances, objectif de forme. Non, pour le chinois, tout exercice est bon, qu'ils marchent 10 minutes en levant les bras au ciel, fassent de la balançoire une demi-heure, ou fassent pivoter dans chaque main trois boulets en tournant autour d'un arbre. Ils font aussi bien sûr du Tai Ji Quan, mais la tradition se perd au profit du line dancing sur fond de musique pop.
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